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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


éclat de rire, mais n’est-ce pas absurde ? Vous l’avez tous vue aller et venir ici ; elle fait ce qui lui plaît !

— Vous lui avez caché qu’elle possédait une fortune, et vous la retenez chez vous comme une esclave, exigeant d’elle une affection qui ne vous est nullement due, qu’elle aimerait mieux porter à un autre, et qu’il ne serait peut-être pas fort décent de définir.

— Madame ! m’écriai-je indignée, êtes-vous venue chez moi pour m’insulter ?

— Nous ne voulons point vous blesser, dit à son tour Mme Du Plantier, et cependant, si les intérêts de cette malheureuse enfant l’exigent, croyez bien que nous n’hésiterons pas à nous montrer qu’on se met en posture fâcheuse quand on prétend mépriser les lois de la nature et de toute société.

— Antoinette, reprit Mme de Létang, sans me laisser répondre à cette insolence, est en âge de se choisir un époux et de diriger elle-même sa fortune ; nous reconnaissons que vous avez pu veiller sur son enfance avec beaucoup de dévouement, mais ce n’est plus une fillette ; elle est libre de ses actes. Vous devez remettre sa fortune au Conseil colonial qui vous dédommagera d’ailleurs de vos sacrifices.

— Je ne réclame point de dédommagement, répondis-je avec dédain, mais Antoinette est ma fille adoptive et je la garderai avec moi, comme d’ailleurs elle me l’a demandé. Quant à sa fortune, je n’aurai pas à la lui rendre, puisqu’elle n’en a point, et qu’elle n’a vécu jusqu’ici que grâce à ma générosité.