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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


vant leur proie ; ils haussaient les épaules, crachaient de dégoût et de fureur, mais ils ne touchèrent plus au révérend qui, avec une faible lamentation, se ramassa et se traîna lentement vers la rue des Capucins.

— Il va compromettre la révolution, gronda Figeroux.

— Et croyez-vous qu’elle serait un heureux événement pour nous ? fit un autre mulâtre. Nous n’avons rien à gagner de la liberté de ces sales Bozales qui dansent là-bas. Mieux vaut qu’ils restent esclaves !

— Ces nègres ont confiance en nous. Nous les dirigeons. Nous pouvons avec leur aide nous emparer du gouvernement de l’île.

— Et comment ces brutes nous comprendraient elles ? fit l’interlocuteur de Figeroux.

Cependant le petit groupe des affranchis raisonneurs pour lesquels devait parler le quaker se dissipait. Toute la partie houleuse et bruyante de l’assemblée semblait les repousser.

Un vieil homme, les épaules sanglantes, les yeux chassieux et voilés, apparut tout à coup sur l’escabeau où nous avions vu Goring. Il avait autour de lui un grand châle dont il tirait de petits sachets en peau huilée. Aussitôt le silence se fit dans la foule qui s’empressa autour du vieillard.

— Mascandals ! Mascandals ! criait-on.

— On leur donne des amulettes, m’expliqua Dodue, pour les protéger. Ils préparent quelque grande entreprise, cela est sûr.

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