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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


mais vous pensez bien que j’avais gardé la meilleure part.

— Mais, fis-je tout à coup, je suis surprise que vous me fassiez de telles confidences. Vous ne me connaissez nullement. Ne craignez-vous pas que je vous trahisse ?

— Je n’ai aucune crainte, répondit Dodue-Fleurie. Une dénonciation vous vaudrait une vengeance de ma part et ne m’inquiéterait en rien. On ne peut m’arrêter. Et d’ailleurs, je vous le répète, votre intérêt vous commande de vous taire et de rester mon alliée.

— Ah ! m’écriai-je, je n’aurais jamais soupçonné que M. de Montouroy fût un tel criminel.

Dodue, sans répondre, me sourit de ses grosses lèvres et de ses dents féroces que l’on imagine toujours mordant de la chair humaine.

— M. de Montouroy est en effet un malhonnête homme, dit-elle, parce qu’il ne tient pas ses engagements. Il n’avait pas plutôt l’argent que je lui avais procuré, qu’il songeait à un mariage qui devait l’enrichir, l’éloigner de moi, et du Cap. Or c’est un mariage qui, m’a-t-on dit, ne vous agrée point.

— Certes ! fis-je. Mais M. de Montouroy sait très bien que je n’accorderai jamais mon consentement à un mariage qui répugne à ma protégée. Et d’ailleurs, ajoutais-je ce mariage ne pouvait l’enrichir puisqu’Antoinette n’aura rien.

— Rien ! s’écria Dodue-Fleurie surprise, et elle eut encore son insolent sourire.