Page:Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


des esclaves, avec une impudeur de blanc qui se croit tout permis, il se jeta sur moi et, m’ayant possédée brutalement, il me laissa évanouie. On me fit reprendre connaissance à coups de fouet ; car l’honneur d’avoir été distinguée par un maître ne me fut pas compté. Depuis, M. de Montouroy ne cessa de me laisser voir que mon corps ne lui était pas indifférent, mais il ne me savait aucun gré des plaisirs que je lui donnais, — il est vrai, bien malgré moi. La nuit, il venait me chercher dans ma case, et je restais jusqu’au matin près de lui. Alors, lasse de ces caresses que je n’acceptais qu’avec dégoût, il me fallait retourner au travail, et comme parfois je tombais de fatigue, les coups pleuvaient sur mes épaules. M. de Montouroy assista quelques fois à ces exécutions ; il ne disait rien, quand il eût pu facilement les arrêter. Peut-être se plaisait-il à me voir ainsi torturée ! Cependant la sensualité grossière qui l’attachait à mes jupes ne l’empêchait pas de s’intéresser à des liaisons plus élégantes. Il était lié avec Mme de Létang et un jour je les surpris ensemble. Il se soucia peu de ma découverte, car il ne craignait pas, — et il avait raison, — ma jalousie, mais il avait la sottise de ne point voir que j’étais une fille rusée et que je mettrais à profit ce que le hasard m’avait révélé.

» En effet, une nuit que je le savais avec sa maîtresse, j’entre dans sa maison dont un esclave ami m’avait ouvert la porte ; j’avais caché dans mon bonnet un couteau, et passé un pistolet dans ma jupe. J’arrive au moment où ils étaient tous deux au lit et