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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


des Ingas. Je ne suis qu’une pauvre négresse, madame, mais prenez place près de moi. Ce que j’ai à vous dire doit vous intéresser. Oh ! je regrette bien de vous recevoir dans cette misère.

Elle eut un rire éclatant et forcé qu’on pouvait prendre aussi bien pour une marque d’affabilité que pour une affectation d’insolence.

— Vous êtes étonnée, continua-t-elle, que j’aie chez moi la petite Létang, et que je ne la traite pas en princesse. Que voulez-vous ? Je regrette qu’elle soit de vos amies, mais enfin si on me disait : Dodue, pour Madame Gourgueil, tu vas te dépouiller et recevoir cent coups de pieds dans le derrière, je vous aime bien, ma bonne et chère madame, (elle reprenait sa voix mielleuse, zézayante, et me baisait les mains), je vous aime bien et tout de même je ne le ferais pas. Eh bien, avec Létang c’est la même chose. Si je la laissais se trotter ce serait pour moi une maladie. D’ailleurs, l’aimez-vous tant que ça ! Elle ne vous aime guère, elle, et sa mère donc ! Comme elle riait, avec toutes ces dames, de la Gourgueil. Je les ai bien entendues lorsque j’étais dans leur maison !

— Et que disaient-elles donc de moi ?

— Oh ! je ne me souviens pas. Je sais seulement qu’on vous arrangeait de jolie manière, et comme on dit, que vous auriez pu ensuite vous montrer à la foire. Ah ! ah ! pauvre madame Gourgueil, bonne chère âme !

— Enfin pourquoi Agathe est-elle chez vous ? Elle a été enlevée en même temps qu’Antoinette, dans