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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


fin de souper, de vin répandu et d’amour emplissait la chambre. Dodue-Fleurie en parut incommodée, et, au moment où j’entrais, sans paraître me voir, elle dit au petit domestique qui m’avait précédée :

— Dis à Gatte de se dépêcher à venir.

Gatte apparut brusquement, comme si elle avait entendu l’ordre de sa maîtresse.

Hélas ! quelle fut mon émotion en reconnaissant Agathe de Létang, à peine vêtue et qui tremblait sous le regard de la négresse. Surprise et honteuse de me voir, elle rougit tout à coup et détourna la tête.

— Vas-tu finir d’emporter la collation, limaçonne ! cria Dodue-Fleurie.

J’aperçus alors, à terre, un très large plateau, tout chargé de plats, de verres, de bouteilles, et que la pauvre Agathe, à grand-peine, et en prenant mille précautions, essayait de transporter dans l’antichambre ; mais comme elle passait la porte, deux bouteilles se renversèrent.

— Attends, je vais t’apprendre à briser ma vaisselle, fit Dodue-Fleurie en envoyant sa pantoufle à la tête d’Agathe, puis d’un bond elle se précipita sur elle.

— Madame, dis-je en m’interposant, je connais mademoiselle de Létang et je ne pense pas que ce soit pour me faire assister à des scènes si inconvenantes que vous avez réclamé ma visite.

— Je suis confuse, confuse et charmée en même temps, madame, fit Dodue en balbutiant, d’une voix zézayante et minaudière. Ah ! ce n’est pas ici le luxe