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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


sur ce bien sacré. C’est pourquoi j’avais fait transporter dans ma chambre le lit d’Antoinette, mais la chère enfant était trop loin encore ! Le soir, je la pris tout endormie dans mes bras et la portai dans mon lit. Oh ! Quelle joie lorsque je sentis son corps contre le mien ; que sa douce respiration approcha son jeune sein de ma poitrine et l’effleura d’une caresse délicieuse ! Je ne sais pourquoi à ce moment, comme si le ciel se fût montré jaloux de mon plaisir, je me rappelai les paroles du docteur, et un soupçon affreux traversa mon esprit. Les brigands qui avaient osé porter leurs mains sacrilèges sur l’enfant ? Le doute me suppliciait. Je voulus avoir une certitude, — dût-elle être douloureuse, — et profiter de ce sommeil. Repoussant tout ce qui voilait le corps de mon Antoinette, écartant ces jambes grassouillettes qui, chastement réunies, semblaient vouloir dérober leur trésor, j’approchai une petite lampe, et penchée vers elle, comme une mère vigilante ou un mari fervent, je découvris le secret adorable. Dieu soit béni ! les barbares n’avaient point flétri mon enfant ; la fleur chaste, à peine rosée, mince et délicate encore, dissimulait ses annelets dans les profondeurs de la chair, parmi les frisures d’une mousse capricieuse et dorée.

O ma chérie ! m’écriai-je, se peut-il qu’un jour un mâle brutal déchire des grâces si parfaites et arrache à ton sein tranquille un cri de douleur ! Je te garderai pour moi seule, car, seule, mon affection ne blesse pas et ne sait pas tromper.

Alors, prise d’une étrange fureur amoureuse, je