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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


que vous est-il arrivé ? Le diable est-il dans votre maison, que vous venez sitôt me réveiller ?

— Hélas ! fis-je. Plût au ciel, mon père, qu’il fût seulement dans la maison, mais je soupçonne qu’il est en moi.

— Ah ! ah ! voilà qui est amusant, par exemple. Moi qui, jusqu’ici, n’ai exorcisé personne ! Comment vais-je faire pour chasser votre démon ?

— Ne riez pas, mon père, repris-je. De cruelles tentations viennent souvent incliner au mal une nature portée instinctivement à la vertu ; mais je ne saurais me reconnaître quand je fléchis. Il me semble qu’une autre personne emprunte alors mes sens, et mon âme désavoue des actes auxquels elle ne prend aucune part.

— Dieu s’en réjouit là-haut, ma fille, conclut-il en aspirant une pincée de tabac vanillé, tandis que je tombais à ses pieds, puis : Dites vos péchés, fit-il, et avec une ironie absolument déplacée, il ajouta : Ou plutôt ceux de votre démon.

La faute que j’avais commise ne me causait tant de trouble que parce qu’elle atteignait ma chère enfant et l’innocence de mon amour. Une autre ne s’en fût point émue, mais le lien qui m’unit à cet ange est saint à mes yeux, et je ne pouvais assez me reprocher d’en avoir terni la céleste pureté.

L’enlèvement d’Agathe, l’état dans lequel se trouvait mon enfant, tout me conseillait de ne point me fier à des soins mercenaires, mais de veiller moi-même