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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE

Au besoin je saurai la défendre. M. le comte de Provence avait donné à mon mari d’excellents pistolets. Ils resteront désormais sur ma table, près de mon lit, tout chargés. Je ne suis point maladroite.

Mais qui donc a eu l’audace de commander cet enlèvement ?… Je ne crois pas que Dubousquens, ni Figeroux soient coupables. Et pourtant !… Dès demain j’irai porter plainte au Conseil ; il faudra bien qu’on découvre les coupables et qu’on venge mon Antoinette !

Au milieu de tous les périls qui me menacent et dans l’inquiétude où je suis de perdre mon enfant, je n’espérais pas trouver un auxiliaire à la fois si précieux et si méprisé, ni qu’une main ignoble et charitable se tendrait vers la mienne et que je l’accepterais.

Je m’étais rendue dès le matin, au Cap, chez M. de la Pouyade. Il reposait encore. Par mes instances auprès de son esclave, je l’avais presque contraint de se lever et de venir entendre ma confession.

Il était accouru vers moi, l’habit à demi déboutonné, les souliers dénoués, une barbe de la veille et la perruque de travers. N’importe ! c’était un prêtre, et j’avais si grand besoin à ce moment de me confier à un ministre de Dieu et d’entendre, par ses lèvres, que j’étais pardonnée d’en haut, que je l’avais, tel quel, entraîné dans l’église.

— Mon Dieu ! s’écria-t-il, madame, qu’avez-vous,

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