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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS


de savoir où elle est. Je craignais qu’elle n’eût une liaison moins inoffensive.

— Inoffensive ! me récriai-je, qu’en savez-vous ? Cet homme-là est peut-être aussi, lui, un ennemi des colons. Et puis, croyez-vous que je permettrai jamais à une esclave de s’échapper de la plantation quand il lui en prend fantaisie ? Ne lui ai-je pas confié la surveillance des autres esclaves, la garde et le service d’Antoinette ? En vérité, c’est inouï, un tel dédain de mes ordres, un pareil oubli de ses devoirs… Et quelle audace a cet homme de me la prendre ! La religion, les mœurs, ma réputation, il dédaigne tout cela, ce monsieur. C’est un esprit fort, sans doute. Vous lui ressemblez, d’ailleurs. Ah ! il vous sied bien de parler de précaution et de défense. Ce sont des gens de votre sorte, tenez, qui perdront l’île !

— Calmez-vous, madame, on va vous entendre.

— Et qu’importe qu’on m’entende. Je le voudrais, être entendue ! Ce serait une occasion de lui dire, à ce goujat, ce que je pense de sa conduite. Écoutez ! ils s’embrassent encore… Oh ! c’est trop fort ; elle prononce mon nom ; elle parle de moi. Il faut que je sache ce qu’ils disent. Approchons-nous. N’ayez pas peur, voyons docteur ! Derrière cette haie de lianes on ne nous verra pas.

Je ne pouvais plus me contenir. L’effronterie de cette horrible fille soulevait mon indignation et ma colère. Dire que c’était les lèvres salies par les baisers d’un Dubousquens qu’elle venait à moi. Ah ! l’ignoble coureuse. J’avais envie de me précipiter sur