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JOURNAL D’UNE DAME CRÉOLE


Domingue où l’intendant de M. Mettereau vint la recevoir, pour la conduire à l’habitation de son maître, située assez loin du Cap, dans les terres.

» Or, l’intendant savait et était alors peut-être le seul à savoir que M. Mettereau n’existait plus ; il le laissa ignorer à Mme Lafon comme à tout le monde, et c’est alors qu’eut lieu un effroyable drame. Tandis que les deux femmes suivaient le chemin des montagnes, pour arriver à la Plantation Mettereau, l’intendant et les noirs qui l’accompagnent se jettent sur les voyageuses, les maîtrisent, leur arrachent tout ce qu’elles possèdent et, non contents de les dépouiller, veulent les massacrer après les avoir souillées de leurs embrassements immondes. La mère est tuée ; la jeune fille échappe, et c’est chez vous qu’elle vient chercher un refuge.

— Elle ne vint pas, fis-je vivement comme pour cacher mon émotion ; des esclaves trouvèrent Antoinette évanouie à quelques pas des Ingas. Nous parvînmes à la ranimer, mais, de longtemps, elle ne reprit connaissance. Vous savez, docteur, puisque vous l’avez soignée, combien dura son délire ; il était impossible de prêter un sens quelconque aux mots sans suite qu’elle prononçait durant sa fièvre. Je l’entendais seulement quelquefois appeler sa mère.

— Mais, depuis, ne vous a-t-elle rien dit ?

— Ceci simplement : très fatiguée de la traversée, elle s’était endormie aux côtés de Mme Lafon dans le palanquin qui devait la conduire chez son oncle. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle fut éblouie par la lu-