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LES NUITS CHAUDES DU CAP FRANÇAIS

Le docteur avait suivi mon regard et il souriait de ma découverte.

— Êtes-vous disposée à m’écouter, à présent ? demanda-t-il.

Il n’avait pas besoin de ma réponse ; j’écoutais assez attentive ; il commença donc son récit sans prévoir le trouble qu’il allait me causer.

« Un mois environ avant la mort de M. Mettereau, Mme Lafon, sa sœur, reçut à Bordeaux, où elle vivait, une lettre de Saint-Domingue lui demandant avec instance de venir s’établir dans l’île. Son frère, écrivait-on, avait eu de grands malheurs ; l’orage avait détruit ses récoltes ; il se trouvait ruiné, malade, mais un peu d’argent, en lui enlevant de grands soucis, lui rendrait la santé, lui permettrait de rétablir promptement ses affaires et, placé sur la plantation, rapporterait de larges bénéfices au prêteur. La lettre, bien que signée « Mettereau », était écrite par une main étrangère, celle, sans doute, d’un garde-malade, ou d’un intendant. Mme Lafon avait eu toujours pour son frère l’amitié la plus vive ; depuis longtemps elle avait formé le projet d’aller le rejoindre. Si elle avait reculé jusque-là son voyage, c’était à cause de la santé délicate de sa fille, mais comme celle-ci était alors bien portante, et qu’il s’agissait peut-être de sauver de la mort un frère qu’elle aimait, elle se décida aussitôt à partir. Elle emmenait sa fille, et, comme pour un établissement définitif dans la colonie, elle emportait sa fortune et tout ce qu’elle avait de précieux. Après une traversée difficile, elle débarqua à Saint-