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gne de mécontentement, s’allongea jusqu’au menton ; je vous ai tout prédit, mais vous ne voulez jamais m’écouter.

— Et croyez-vous, messer Coccone, que vous suffisez à ma distraction et que vos entretiens sur saint Pierre ne me laissent rien imaginer de plus joyeux ? Non, ajouta Benzoni, je le constate avec déplaisir : il m’est pour le moment, impossible de me passer de ces énergumènes.

Comme Nichina s’arrêtait pour reprendre haleine, la Petanera jugea convenable d’émettre cette réflexion :

— J’ai vu passer plusieurs fois sous mes fenêtres Monseigneur Benzoni : il avait un port de tête si majestueux, que moi, qui ai une fois abordé dans la rue le dernier Doge, j’aurais eu peur de lui parler. Je n’eusse jamais cru que chez lui avaient lieu des comédies pareilles !

— Mais ce n’était pas de sa faute, repartit la petite Polissena.

— Cela n’en est pas moins fort déshonorant. On m’offrirait deux cents ducats pour aller voir un homme comme celui-là, je refuserais.

Je tenais, pour ma part, à remercier Madame Nichina du plaisir que m’avait causé son langage délicieux, tour à tour élégant et familier, et sa voix d’un son si clair et si séduisant ; plaisir, hélas ! qu’aucun écrivain ne pourra rendre, pas plus qu’aucun peintre n’est capable de représenter son visage changeant et animé, où la tristesse, qui suit toujours chez elle l’enjouement, met de si voluptueuses ombres.

Je lui dis :