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des domestiques, arracha des mains du moine le pauvre homme tremblant et tout ensanglanté. Mais Gennaro n’eut pas plutôt vu emmener le cuisinier que sa fureur se tourna vers les fresques de Fasol, qu’il venait d’apercevoir pour la première fois ; il empoigna un couteau et le lança de toutes ses forces sur les danseuses du triomphe d’Alexandre en criant :

— Ah ! je détruirai vos maisons d’impureté ! je jetterai dans les fleuves vos trésors dont les pauvres ne profitent pas !

Le couteau entra dans la chair grasse d’un sein et y laissa une plaie béante.

Fasol aperçut la blessure, eut une plainte aussi douloureuse que s’il venait lui-même d’être atteint et, se précipitant sur le moine, d’un violent coup de pied dans les jambes il le renversa, puis se mit à lui écraser le visage.

— Destructeur de chefs-d’œuvre ! charogne immonde ! faisait-il, je vais te rendre à la terre !

Gennaro, se redressant, s’était attrapé aux cheveux de son adversaire et essayait de lui égratigner le visage, mais il ne réussissait pas à éviter les poings vigoureux qui tombaient, comme une masse d’armes, sur son crâne chauve.

Tout à coup, le peintre leva sa dague et Gennaro, dont la voix m’avait paru si forte sur l’Herberie, se mit à pousser de petits cris de souris prise au piège. Par bonheur des valets arrêtèrent Fasol et parvinrent à maîtriser sa colère, tandis qu’Arrivabene, Guido et moi nous secourions le moine presque mort de frayeur.

— Cette scène est de trop dans mon spectacle, fit le cardinal, mes animaux commencent à devenir insupportables.

— Je vous ai prédit ce qui vient d’arriver, monseigneur, dit Coccone, et sa lèvre inférieure, en si-