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escalier qui occupe tout le fond du vestibule, et Monseigneur Benzoni apparaît, non point revêtu de sa robe de cardinal, mais habillé, à la façon des plus élégants damoiseaux, de vêtements noirs ajustés et fins ; ce qui lui donne l’air, au premier abord, d’un jeune homme, bien qu’il touche à la maturité. Il porte sous le bras un manteau de pourpre dont il s’est débarrassé dans l’escalier et qu’il lance à un valet.

— Voilà votre nouveau page, mon révérendissime seigneur, dit Arrivabene.

Le cardinal jette sur moi un regard distrait et réplique simplement :

— C’est bien ; vous lui montrerez ce qu’il devra faire.

Je le regardai avec attention et je fus étonnée de ce qu’il y avait à la fois d’agréable et de repoussant dans sa physionomie ; de grâce, de malice et d’affabilité dédaigneuse dans ses manières.

Cependant Coccone déjà l’avait pris à part ; il lui parla longtemps : l’abbé avait des gestes désespérés, levait les yeux au ciel, tandis que Benzoni, en l’écoutant, conservait sa physionomie calme et souriante.

— Ce qui se passe ici, dit Coccone en terminant, cause à Venise un véritable scandale. Pasquin vous reproche de vouloir singer les façons de Sa défunte Sainteté, le pape Léon, sans avoir l’excuse de son génie. Vous êtes la risée de tout le monde.

— Je ne me pique d’imiter qui que ce soit, fit le cardinal. Si le pape Léon a vécu comme moi, c’est sans doute que nos caractères se ressemblaient. Quant à posséder son esprit, cela, par malheur, ne dépend pas de ma volonté. Que les railleurs qui s’exercent sur nos personnes ne vous tourmentent point,