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laissée ouverte, et pénétra dans la chambre. C’était ma mère. Elle s’avança d’un pas résolu et parla de la sorte :

« Lucio, j’ai entendu le sermon du moine sur l’Herberie. Il a dit qu’il fallait aimer Dieu et se pardonner les injures. Veux-tu oublier ce qui s’est passé ce matin ? »

Papa demeura quelque temps à la considérer en silence, puis il lui tendit les mains et ils restèrent tous les deux à pleurer l’un contre l’autre jusqu’au moment où l’on m’ordonna d’éteindre la lumière ; alors je crus qu’ils étaient tombés du haut mal, tant ils soupiraient, s’agitaient, faisaient gémir les sièges, se donnant les noms les plus tendres comme s’ils se fussent exhortés à souffrir…

Arrivabene, qui venait de se réveiller, interrompit la conteuse.

— Ah ! le beau sermon, s’écria-t-il, le beau sermon qui termine si bien les querelles conjugales et réunit le soir dans une même étreinte les ennemis du matin. Ce n’est pas le père Antonio qui aurait jamais l’idée d’en prêcher un de ce genre-là. Il est vrai que, comme nous n’avons pas de femme, cela ne nous servirait à rien.

Mais Nichina reprit tristement :

— Ce fut un vilain sermon au contraire.

Tandis qu’ils s’embrassaient, je courus chez les voisins où Guido avait dû passer la journée, et l’on