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innocent. Mon mari prétend même qu’il a quelquefois des colères terribles et que, sans un bâton, on n’en viendrait pas à bout. Ah ! ces gens-là sont de grandes canailles ; mais que voulez-vous ? je ne puis m’empêcher de les plaindre.

L’homme s’était mis à secouer ses haillons et à gratter la vermine qui lui rongeait le corps.

Carlona regardait le condamné avec un air de compassion. Ne voulant pas que la femme du gardien pût croire à son indifférence, elle me demanda si je n’avais pas un quattrino sur moi.

— Tu sais bien, répondis-je, que je n’ai pas ma bourse, mais donne-lui toi-même, je te rendrai demain ton aumône avec l’argent que nous aurons dépensé ce soir.

Carlona chercha dans sa bourse et revint vers moi, tandis que le gardien appelait l’homme avec des gestes menaçants.

— Eh bien ! tu ne lui as rien donné ?

— Je n’avais que des ducats.

— Tu pouvais bien lui en donner un. Je te l’aurais rendu.

— Un ducat à un galérien ? Ah ! mon pauvre ami, tu ne seras jamais économe !

Comme je demeurais attristé de ce spectacle, je voulus savoir si la femme du gardien avait appris à Carlona le nom du misérable.

— Je crois qu’il s’appelle Fosol ou Fasol, répondit-elle. Cela m’est égal d’ailleurs.

Je me rappelai le récit de la Nichina, les peintures que j’avais admirées et la vision de l’artiste, dans toute sa gloire, passant au milieu de l’acclamation des foules ; et je fus saisi d’une grande pitié.

Cependant mon amie, qui avait enfin trouvé le père