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nous arrivâmes devant la villa de Madame Nichina. La maison est bâtie au milieu d’un vaste jardin dont un côté offre aux regards des plates-bandes fleuries, des bassins environnés de nymphes et de tritons, tandis que l’autre partie, formée de bosquets, de charmilles, ménage aux amants des retraites fraîches et odorantes.

Je n’avais vu qu’une seule fois la Nichina, mais son visage a des traits si frappants que je la reconnus de suite. On ne trouve dans sa physionomie de féminin et de sensuel que la bouche ; les yeux sombres, le dessin pur et fier de la figure, le front large et découvert ont quelque chose de vainqueur. Sa magnifique chevelure, ici crêpée, là relevée en larges torsades, lourde et soyeuse par derrière, légère par devant de frisons et de boucles folles que le soleil couchant couvrait d’or et de feu, cette chevelure dont elle eût pu s’envelopper et dont elle avait fait une couronne, était comme l’image de cette discipline puissante à laquelle Nichina plia toujours sa riche et superbe nature.

Elle ne portait pour tout bijou qu’un collier de perles, mais, malgré l’abandon de la vie rustique, elle était vêtue avec le même luxe fastueux qu’en ses plus beaux jours. Sa jupe de moire de Florence s’ouvrait sur une robe de satin cramoisi dont le corsage, joint par des liens de drap d’or, laissait voir la gorge qui était encore admirable.

Elle était assise sur la terrasse, au milieu d’anciennes amies et de jeunes femmes qui se plaisaient à former sa cour, à profiter de sa table, de sa réputation, et auxquelles Nichina s’amusait parfois à enseigner l’art de bien vivre.

Oubliant ma cagoule de frère mineur devant une assemblée que décoraient tant de grâces, je saluai ces dames en galant homme, ce qui les réjouit fort.

— Arrivabene, dit la Nichina, je crois que tu nous