Page:Rebell - La Nichina, 1897.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

administré des soufflets ; Arrivabene a répondu par des claques, et, comme Marietta Vespa n’était pas disposée à lui céder, il a saisi la pauvre fille, l’a troussée, puis battue au nez de ses amies, excité par les cris de sa victime et les rires des spectatrices.

Toutes trois pressées contre, l’appui de la fenêtre, les bras à la taille comme des sœurs, unies, un instant, par une parole échangée, nous regardions, dans le ciel limpide, la lumière mourir au faîte du palais Sagredo et l’ombre douce gagner les plus hautes murailles.

— Je regretterai cette journée, soupira Orsetta.

— Est-ce qu’on les compte à votre âge ? répliqua Michele.

— Qui peut savoir ? fit Orsetta toute souriante. Et, dans ses yeux je vis passer une petite lueur gaie comme une tranquille coquetterie à la mort, sans doute lointaine.

Elles babillaient et jacassaient, ravies de laisser s’envoler leurs paroles.

— Comme tu es jolie ce soir, Fenice !

— C’est toi ! ta coiffure te va, vois-tu, t’encadre si bien le visage, qu’il donne à tous les hommes l’envie de t’embrasser. Ah ! il t’aimera, s’il te voit, pour sûr !

— Tu crois ?

— Si je le crois ! Oh ! que tu es gentille ainsi !

Orsetta souriait toujours ; et les derniers rayons auréolaient d’or sa chevelure, tandis que de jolies clartés illuminaient ses yeux, ses dents fines et, glissant sur ses épaules moites de chaleur, venaient se poser sur la petite rose fraîche d’un sein qui sortait de la chemise dénouée. Fenice voulut lui mettre sur les lèvres un baiser, mais elle se défendit et lui éloigna le visage de ses deux mains étendues.