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Tel un chêne, ornement sacré du territoire,
Fouillant de sa racine un sol avare et dur,
Sait extraire du Styx embourbé d’ombre noire,
Sa vertu prophétique et sa noueuse gloire
Et sa verte ambroisie en marche vers l’azur.

Pour me surprendre, en vain, ta malice dispose,
Aux lointains nus, ton fauve éclat d’apothéose ;
En vain, ton simulacre exalte mon désir,
Connaissant qu’il se tue aussitôt qu’il se pose,
C’est errant qu’en mon sein je le veux maintenir.

À l’ombre de mes dieux, comme une flûte agile
Plie à sa volonté le désordre des airs,
Je veux discipliner ton pathétique éclair,
Et que ton incendie, ôté de mon argile,
Brûle en se resserrant au foyer de mes vers.

Ainsi je te méprise ensemble et te redoute,
Toi qui, d’un tournoyant vertige d’horizons,
Exaspères la froide horreur de nos prisons ;
Comme Ulysse attaché, sans y mordre, j’écoute
Les mots dorés dont tu te fais des hameçons.