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réelle. On ſouffre, ſans doute, à priver un citoyen de ſa liberté, la ſeule choſe qu’il poſſède, & d’ajouter la priſon à la misère. Cependant, celui qui préfère la condition abjecte de mendiant à un afyle où il trouveroit le vêtement & la nourriture à côté du travail, eſt un vicieux qu’il faut y conduire par la force. Il y a beaucoup de pays où, par un ſentiment de compaſſion mal raiſonné, on n’enferme pas les mendians de profeſſion. L’adminiſtration de ces pays montre en cela plus d’humanité que de lumières.

Mais indépendamment de la mendicité qu’entraîne l’eſprit de pareſſe, il faut qu’il y ait des pauvres ſans nombre par-tout où il y a ſans nombre des hommes qui n’ont que leurs bras à oppoſer à la misère. Pour tous ces malheureux, un jour de maladie eſt un jour d’indigence. Tout vieillard eſt un pauvre. Tout eſtropié par accident ou maléficié par nature, jeune ou vieux, eſt un pauvre. Tout ouvrier, tout ſoldat, tout matelot, hors de ſervice ou hors d’état de ſervir, eſt un pauvre. La pauvreté engendre la pauvreté ; ne fût-ce que par l’impoſſibilité