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leurs enfans ne partagent pas leur triſte deſtinée ? Lorſque vous nous parlez de la félicité de vos eſclaves, vous vous mentez à vous-même ou vous nous trompez. C’eſt le comble de l’extravagance de vouloir tranſformer en un acte d’humanité, une ſi étrange barbarie.

Mais en Europe, comme en Amérique, les peuples ſont eſclaves. L’unique avantage que nous ayons ſur les nègres, c’eſt de pouvoir rompre une chaîne pour en prendre une autre.

Il n’eſt que trop vrai. La plupart des nations ſont dans les fers. La multitude eſt généralement ſacrifiée aux paſſions de quelques oppreſſeurs privilégiés. On ne connoît guère de région où un homme puiſſe ſe flatter d’être le maître de ſa perſonne, de diſpoſer à ſon gré de ſon héritage, de jouir paiſiblement des fruits de ſon induſtrie. Dans les contrées même le moins aſſervies, le citoyen, dépouillé du produit de ſon travail par les beſoins ſans ceſſe rennaiſſans d’un gouvernement avide ou obéré, eſt continuellement gêné ſur les moyens les plus légitimes d’arriver au bonheur. Par-tout,