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un air qui leur plaît. Un objet, un événement frappe un nègre, il en fait auſſitôt le ſujet d’une chanſon. Ce fut dans tous les âges l’origine de la poéſie. Trois ou quatre paroles qui ſe répètent alternativement entre le chanteur & les aſſiſtans en chœur, forment quelquefois tout le poème. Cinq ou ſix meſures font toute l’étendue de la chanſon. Ce qui paroît ſingulier, c’eſt que le même air, quoiqu’il ne ſoit qu’une répétition continuelle des mêmes tons, les occupe, les fait travailler ou danſer pendant des heures entières : il n’entraîne pas pour eux, ni même pour les blancs, l’ennui de l’uniformité que devraient cauſer ces répétitions. Cette eſpèce d’intérêt eſt dû à la chaleur & à l’expreſſion qu’ils mettent dans leurs chants. Leurs airs ſont preſque toujours à deux tems. Aucun n’excite la fierté. Ceux qui ſont faits pour la tendreſſe, inſpirent plutôt une ſorte de langueur. Ceux même qui ſont les plus gais, portent une certaine empreinte de mélancolie. C’eſt la manière la plus profonde de jouir pour les âmes ſenſibles.

Un penchant ſi vif pourrait devenir un