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ou l’ennui, enlèvent aux colonies. Loin d’aggraver le joug qui les accable, on chercheroit à en adoucir, à en diſſiper même l’idée, en favoriſant un goût naturel qui ſemble particulier aux nègres.

Leurs organes ſont ſinguliérement ſenſibles à la puiſſance de la muſique. Leur oreille eſt ſi juſte, que dans leurs danſes, la meſure d’une chanſon les fait ſauter & retomber cent à la fois, frappant la terre d’un ſeul coup. Suſpendus, pour ainſi dire, à la voix du chanteur, à la corde d’un inſtrument, une vibration de l’air eſt l’âme de tous ces corps ; un ſon les agite, les enlève, & les précipite. Dans leurs travaux, le mouvement de leurs bras ou de leurs pieds eſt toujours en cadence. Ils ne font rien qu’en chantant, rien ſans avoir l’air de danſer. La muſique chez eux anime le courage, éveille l’indolence. On voit ſur tous les muſcles de leurs corps toujours nus, l’expreſſion de cette extrême ſenſibilité pour l’harmonie. Poètes & muſiciens, ils ſubordonnent toujours la parole au chant, par la liberté qu’ils ſe réſervent d’allonger ou d’abréger les mots pour les appliquer à