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ils ſont languiſſans, incapables du moindre exercice. C’eſt un anéantiſſement, un affaiſſement total de la machine. On eſt ſi découragé dans cet état, qu’on ſe laiſſe aſſommer plutôt que de marcher. Le dégoût des alimens doux & ſains, eſt accompagné d’une eſpèce de paſſion pour tout ce qui eſt ſalé ou épicé. Les jambes s’enflent, la poitrine s’engorge ; peu échappent. La plupart finiſſent par être étouffés, après avoir ſouffert & dépéri pendant pluſieurs mois.

L’épaiſſiſſement du ſang, qui paroît être la ſource de ces maux, peut venir de pluſieurs cauſes. Une des principales eſt ſans doute le chagrin qui doit s’emparer de ces hommes, qu’on arrache violemment à leur patrie, qui ſe voient garrottés comme des criminels, qui ſe trouvent tout-à-coup ſur mer pendant deux mois ou ſix ſemaines, qui du ſein d’une famille chérie, paſſent ſous la verge d’un peuple inconnu, dont ils attendent les plus affreux ſupplices. Une nourriture nouvelle pour eux, peu agréable en elle-même, les dégoûte dans la traversée. À leur arrivée dans les iſles, les alimens qu’on leur diſtribue ne ſont ni ſuffiſans, ni bons. Celui qui leur