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fort peſant, tombe ſur le devant, & embarraſſe tellement celui qui y eſt attaché, que quoiqu’il ait les bras & les jambes libres, il ne peut ni marcher, ni lever la fourche. Pour ſe mettre en marche, on range les eſclaves ſur une même ligne ; on appuie & on attache l’extrémité de chaque fourche ſur l’épaule de celui qui précède, & ainſi de l’un à l’autre juſqu’au premier dont l’extrémité de la fourche eſt portée par un des conducteurs. On n’impoſe guère de chaîne aux autres, ſans en ſentir ſoi-même le fardeau. Mais pour prendre ſans inquiétude le repos du ſommeil, ces marchands attachent les bras de chaque eſclave ſur la queue de la fourche qu’il porte. Dans cet état, il ne peut ni fuir, ni rien attenter pour ſa liberté. Ces précautions ont paru indiſpenſables ; parce que ſi l’eſclave peut parvenir à rompre ſa chaîne, il devient libre. La foi publique, qui aſſure au propriétaire la poſſeſſion de ſon eſclave, & qui dans tous les tems le lui remet entre les mains, ſe tait entre l’eſclave & le marchand qui exerce de toutes les profeſſions la plus méprisée.

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