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primitive de la morale ; & ne les portoit-elle pas à traiter ſans remords leurs frères nouvellement découverts, comme ils traitoient les bêtes ſauvages de l’ancien hémiſphère ? La cruauté de l’eſprit militaire ne s’accroît-elle pas à raiſon des périls qu’on a courus, de ceux qu’on court, & de ceux qui reſtent à courir ? Le ſoldat n’eſt-il pas plus ſanguinaire à une grande diſtance, que ſur les frontières de ſa patrie ? Le ſentiment de l’humanité ne s’affoiblit-il pas à meſure qu’on s’éloigne de ſon pays ? Pris dans les premiers momens pour des dieux, les Eſpagnols ne craignirent-ils pas d’être démaſqués, d’être maſſacrés ? Ne ſe défièrent-ils pas des démonſtrations de bienveillance qu’on leur prodiguoit ? La première goutte de ſang versée, ne crurent-ils pas que leur sécurité exigeoit qu’on le répandît à flots ? Cette poignée d’hommes enveloppée d’une multitude innombrable d’indigènes, dont elle n’entendoit pas la langue, & dont les mœurs & les uſages lui étoient inconnus, ne fut-elle pas ſaiſie d’alarmes & de terreurs bien ou mal fondées ?

Semblable aux Viſigots, dont ils étoient les deſcendans ou les eſclaves, les Eſpagnols