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naît. On prend un goût ſolide. Bientôt le ſujet qui échauffoit les eſprits, tombe dans le mépris. Les livres de controverſe paſſent, mais l’érudition reſte. Les matières de religion reſſemblent à ces parties actives, qui exiſtent dans tous les corps propres à la fermentation : elles troublent d’abord la limpidité de la liqueur ; mais elles agitent bientôt toute la maſſe. Dans ce mouvement elles ſe diſſipent ou ſe précipitent. Le moment de la dépuration arrive, & il ſurnage un fluide doux, agréable & vigoureux, qui ſert à la nutrition de l’homme. Mais dans la fermentation générale des diſputes théologiques, toute la lie de ces matières reſta en Eſpagne. La ſuperſtition y avoit abruti les eſprits, au point que l’état s’applaudiſſoit de ſon aveuglement. Au lieu d’une énergie néceſſaire pour porter la vie dans toutes les parties d’une domination trop étendue & trop diſpersée, s’établit une lenteur qui ruinoit toutes les affaires. Les formalités, les précautions, les conſeils, qu’on avoit multipliés à l’infini pour n’être pas trompé, empêchoient ſeulement d’agir. La guerre n’étoit pas mieux conduite que la politique. Une population, qui ſuffiſoit