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quent également, & de lumière pour voir leurs chaînes, & d’âme pour en ſentir la honte. Éteint dans les entraves de la ſervitude, leur eſprit n’a pas aſſez d’énergie pour ſaiſir les droits inséparables de leur être. On pourroit douter ſi ces eſclaves ne ſont pas auſſi coupables que leurs tyrans ; & ſi la liberté a plus à ſe plaindre de ceux qui ont l’inſolence de l’envahir, que de l’imbécillité de ceux qui ne la ſavent pas défendre.

Cependant, vous entendrez dire que le gouvernement le plus heureux, ſeroit celui d’un deſpote juſte, ferme, éclairé. Quelle extravagance ! ne peut-il pas arriver que la volonté de ce maître abſolu, ſoit en contradiction avec la volonté de ſes ſujets ? Alors, malgré toute ſa juſtice & toutes ſes lumières, n’auroit-il pas tort de les dépouiller de leurs droits, même pour leur avantage ? Eſt-il jamais permis à un homme, quel qu’il ſoit, de traiter ſes commettans comme un troupeau de bêtes ? On force celles-ci à quitter un mauvais pâturage, pour paſſer dans un plus gras : mais ne ſeroit-ce pas une tyrannie, d’employer la même violence avec une