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gnant un langage ſans grâce, ſans force, ſans aménité, employèrent bien ou mal dans leurs productions le langage des anciens Romains.

Ce furent les Italiens qui ſecouèrent les premiers ce joug humiliant. Leur langue, avec du ſon, de l’accent & du nombre, a pris tous les caractères de la poéſie & tous les charmes de la muſique. Ces deux arts l’ont conſacrée aux délices de l’harmonie comme ſon plus doux organe.

La langue Françoiſe règne dans la proſe. Si ce n’eſt pas le langage des dieux, c’eſt celui de la raiſon & de la vérité. La proſe parle ſur-tout à l’eſprit dans la philoſophie, l’étude confiante de ces âmes privilégiées de la nature, qui ſemblent placées entre les rois & les peuples pour inſtruire & diriger les hommes. Dans un tems où la liberté n’a plus de tribunes ni d’amphithéâtres pour agiter de vaſtes aſſemblées, une langue qui ſe multiplie dans les livres, qui ſe fait lire chez toutes les nations, qui ſert d’interprète commun à toutes les autres langues, & d’inſtrumens à toutes ſortes d’idées : une langue anoblie, épurée, adoucie, & ſur-tout fixée par le génie des écrivains & la politeſſe des