Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il y entaſſe ; ſon inſtinct commun à tous les êtres vivans, pour l’indépendance & la liberté ; une multitude de raiſons priſes de ſa conſtitution phyſique : on a voulu douter ſi la ſociabilité étoit auſſi naturelle à l’eſpèce humaine qu’on le penſe ordinairement.

On a comparé les hommes iſolés à des reſſorts épars. Si dans l’état de nature, ſans légiſlation, ſans gouvernement, ſans chefs, ſans magiſtrats, ſans tribunaux, ſans loix, un de ces reſſorts en choquoit un autre, ou celui-ci briſoit le premier, ou il en étoit brisé, ou ils ſe briſoient tous deux. Mais lorſqu’en les raſſemblant & les ordonnant on en eut formé ces énormes machines qu’on appelle ſociétés, où, bandés les uns contre les autres, ils agiſſent & réagiſſent avec toute la violence de leur énergie particulière, on créa artificiellement un véritable état de guerre, & d’une guerre variée par une multitude innombrable d’intérêts & d’opinions. Ce fut bien un autre déſordre, lorſque deux, trois, quatre ou cinq de ces terribles machines vinrent à ſe heurter en même tems. C’eſt alors qu’on vit dans la durée de quelques heures, plus de reſſorts brisés, mis en pièces, qu’il n’y en