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que le premier des citoyens. Le corps de la nation peut l’en gratifier : mais alors c’eſt un acte de déférence, & non la conséquence d’une prérogative qui ſeroit néceſſairement tyrannique. Que ſi le ſouverain ne peut ſe l’arroger à lui-même, bien moins encore le peut-il conférer à un autre. On ne donne point ce dont on n’a pas la propriété légitime.

Mais ſi contre la nature des choſes, il exiſte un peuple qui ait quelque prétention à la liberté, & où le chef ſe ſoit toute-fois arrogé à lui-même ou ait conféré le monopole à un autre, quelle a été la ſuite de cette infraction au droit général ? La révolte, ſans doute ? Non ; cela auroit dû être, mais n’a pas été. Et pourquoi ? C’eſt qu’une ſociété eſt un aſſemblage d’hommes occupés de différentes fonctions, divisés d’intérêt, jaloux, puſillanimes, préférant la jouiſſance paiſible de ce qu’on leur laiſſe à la défenſe armée de ce qu’on leur enlève, vivant à côté les uns des autres, ſe preſſant, ſans aucun concours de volontés : c’eſt que ce concert, ſi raiſonnable, ſi utile, quand il ſubſiſteroit entre eux, ne leur donneroit, ni le courage, ni la force qui leur manque,