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jouiſſance entière de ſa fortune & de ſes délices, on réduiſe l’infortuné matelot au ſacrifice des deux tiers de ſon ſalaire, des beſoins de ſa famille, du plus précieux des biens, la liberté. La patrie ne ſeroit-elle pas ſervie avec plus de zèle, de vigueur & d’intelligence par des hommes qui lui voueroient volontairement les facultés phyſiques & morales qu’ils ont acquiſes ou exercées ſur toutes les mers, que par des eſclaves néceſſairement & ſans ceſſe occupés du ſoin de briſer leurs chaînes ? Mal-à-propos, les adminiſtrateurs des empires diroient-ils pour juſtifier leur conduite atroce que ces navigateurs refuſeroient aux combats leurs bras & leur courage, ſi on ne les y traînoit contre leurs penchans. Tout aſſure qu’ils ne demanderoient pas mieux que d’exercer leur profeſſion ; & il eſt démontré que quand ils y auroient quelque répugnance, des néceſſités toujours renaiſſantes les y forceroient.

Le dirons-nous ? & pourquoi ne le dirions-nous pas ? les gouvernemens ſont auſſi convaincus que ceux qui les cenſurent du tort qu’ils font à leurs matelots : mais ils aiment mieux ériger la tyrannie en principe, que