Page:Raynal - Histoire philosophique et politique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, v10.djvu/239

Cette page n’a pas encore été corrigée

nuis par le doux eſpoir de revoir bientôt ce qu’il a de plus cher au monde ; il hâte par ſes déſirs le moment délicieux où il ſoulagera ſon cœur dans les tendres embraſſemens de ſa famille. Tout-à-coup, à l’approche du rivage, à la vue de ſa patrie, on l’arrache avec violence du navire où, pour enrichir ſes concitoyens, il vient de braver les flots, & il ſe voit précipité par d’infâmes ſatellites dans une flotte où trente, quarante mille de ſes braves compagnons doivent partager ſon infortune juſqu’à la fin des hoſtilités. C’eſt vainement que leurs larmes couleront, c’eſt vainement qu’ils réclameront les loix ; leur deſtinée eſt irrévocablement fixée. Voilà une foible image des atrocités de la preſſe Angloiſe.

Dans nos gouvernemens abſolus, c’eſt une autre méthode plus cruelle peut-être en effet, quoique en apparence plus modérée. Le matelot y eſt enrôlé & enrôlé pour ſa vie. On le met en mouvement, on le retient dans l’inaction, quand on veut & comme on veut. Un caprice décide de ſa ſolde, un caprice règle l’époque où elle lui ſera payée. Durant la paix, durant la guerre,