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grandes pêcheries l’extenſion dont elles étoient ſuſceptibles. Les rades du Nord ne recevoient pas un navire François, & celles du Sud n’en voyoient que rarement. L’état avoit abandonné juſqu’à ſon cabotage à des étrangers. N’étoit-ce donc pas une néceſſité qu’au premier échec remarquable que recevroit cet orgueilleux étalage de puiſſance, le coloſſe croulât, & que l’illuſion fût diſſipée ?

L’Angleterre prit dès-lors une ſupériorité, qui l’a portée au comble de la proſpérité. Une nation, qui ſe voit aujourd’hui la première ſur toutes les mers, s’imagine aisément qu’elle y a eu toujours de l’empire. Tantôt elle fait remonter ſa puiſſance maritime juſqu’au tems de Céſar ; tantôt elle veut avoir régné ſur l’océan, du-moins au neuvième ſiècle. Peut-être un jour, les Corſes, qui ne ſont rien, quand ils ſeront devenus un peuple maritime, écriront & liront dans leurs faſtes, qu’ils ont toujours dominé ſur la méditerranée. Telle eſt la vanité de l’homme ; il a beſoin d’agrandir ſon néant dans le paſſé comme dans l’avenir. La vérité ſeule, qui ſubſiſte avant & après les nations, dit qu’il n’y a point eu de marine en Europe depuis l’ère chrétienne