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béiens devînt moins choquante. L’eſpoir même de partager, avec le tems, la ſouveraineté fut conſervé à ceux qui en étoient exclus, ſi par leurs ſervices & leur induſtrie ils acquéroient un jour de la conſidération & des richeſſes.

C’étoit le ſeul gouvernement régulier qui fût alors en Europe. Un pareil avantage éleva les Vénitiens à une grande opulence, les mit en état de ſoudoyer des armées, & leur donna des lumières qui en firent un peuple politique avant tous les autres. Ils régnèrent ſur les mers ; ils eurent une prépondérance marquée dans le continent ; ils formèrent ou diſſipèrent des ligues, ſuivant qu’il convenoit à leurs intérêts.

Lorſque la découverte du Nouveau-Monde & du paſſage aux Indes par le cap de Bonne-Eſpérance eut ruiné le commerce de la république, elle ſe vit privée de tout ce qui lui avoit donné de la grandeur, de la force, du courage. À ces illuſions qui conſoloient en quelque ſorte ſes ſujets de la perte de la liberté, fut ſubſtituée la séduction des voluptés, des plaiſirs & de la molleſſe. Les grands ſe corrompirent comme le peuple,