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Quel aspect douloureux et déchirant, pour une âme honnête et sensible, de voir son semblable couché au coin d’une rue, couvert d'ulcères, accablé de tous les maux physiques et moraux, occupé à produire par ses gestes, ses prières, ou les lamentations que lui arrachent la faim, la douleur ou le désespoir, une faible et fructueuse émotion sur les passans qui le dédaignent, et à qui, pour la plupart, il inspire plus d’horreur par l’excès de sa misère que de compassion !... Quelle honte pour les lois, pour les magistrats, pour les hommes enfin ? Où est donc notre humanité ? n’annoblira-t-elle jamais que nos livres et non nos actions ? Je ne parle point de ces vénérables septuagénaires, octogénaires, de ces infortunés aveugles, etc. traînés dans les rues par des enfans, pour obtenir encore de quelques âmes charitables, de quoi prolonger de quelques momens leur misérable et désolante existence. O français, soyons moins fiers, moins dédaigneux, mais plus sensibles ; et craignons que l’on puisse dire encore long-tems, que si notre pays recèle encore des hommes souffrans de la misère, c’est la faute des lois.