Page:Ratel - Trois parmi les autres, 1946.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


DÉDICACE-SOUVENIR


Je revois ce coin de jardin qu’on avait donné aux deux enfants pour y planter des fleurs. Le petit garçon alignait au cordeau semis et boutures avec la science d’un vieux jardinier, La petite fille, impatiente et chimérique, allait cueillir des verveines dans les massifs et plantait les tiges en terre, en creusant un trou pour chacune d’elles, de son index que le moindre caillou faisait plier. Les belles sacrifiées brillaient un instant, puis se fanaient sous l’arrosoir.

Si bien que rien ne poussa, dans ce jardin de la chimère, rien qu’une plante de ciboule que personne n’avait semée, miracle d’une graine voyageuse.

Le jour de ta fête, le petit garçon t’apporta une brassée de fleurs de son jardin, La petite fille ne put t’offrir que la fleur de ciboule qui dressait une raide massue hérissée de pointes mauves sur sa tige de zinc bleu.

Tu la pris dans tes deux mains : « Comme elle est belle, mon trésor ! Comme elle sent bon ! » Tu avais les larmes aux yeux, peut-être parce que tu étais émue, peut-être parce que cette ciboule sentait l’oignon, à en pleurer.

Et moi je te regardais, à moitié contente, à moitié