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TROIS PARMI LES AUTRES

leur visite comme la démarche de pure politesse qui lui était due.

Antoinette comprit l’indication, présenta ses amies dans les formes. Elles firent salon dans une pièce basse, terriblement astiquée, décorée d’almanachs et qui sentait un peu la colle. Mme Poyet, d’une main ferme et mesurée, leur versait de la liqueur de prunelle.

Après révocation rituelle des souvenirs, les : « Comment va monsieur votre père ? » et les : « Nous n’avons pas oublié votre chère maman, » qu’il lui fallut subir avec reconnaissance, Antoinette orienta la conversation vers les sujets neufs :

— Je crois bien que nous avons rencontré M. le curé en venant vous voir.

Un sourire détendit la bouche serrée de Mme Poyet tandis que ses yeux restaient durs.

— Je serais étonnée, insinua-t-elle finement, que vous l’eussiez rencontré à pied.

— En effet, madame Poyet, en effet. M. le curé était à motocyclette. Il avait un cache-poussière beige, un chapeau de même couleur, une grande barbe noire et des bottes.

— Alors, c’est bien lui, dit Mme  Poyet en riant à petits coups d’un air indulgent. Mon Dieu, mon Dieu, qu’il est original…

— Il a plutôt l’air d’un chasseur que d’un curé, remarqua Suzon.

Mme  Poyet flûta sa phrase au ralenti pour souligner l’inconvenance de cette remarque un peu brutale :

— M. le curé est un grand chasseur, mademoiselle. Cela est permis. À quoi s’occuperait, dans