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TROIS PARMI LES AUTRES

« Ne peut-il arriver que l’un des deux absorbe l’autre ? Oui, n’est-ce pas, c’est à cela que tend l’éducation ? L’un s’étiole et l’autre se développe. Comme chez les scorpions où la femelle dévore le mâle en guise de fortifiant. De sorte qu’une jeune fille bien élevée est à peu de chose près une scorpionne qui a digéré son mâle.

« Annonciade, voilà une jeune fille bien élevée. Pauvre Annonciade, tu sais comme elle est sensible à l’inexprimable ? Ne dirait-on pas qu’elle reste effrayée et dolente d’avoir servi de table à ce cruel repas — et que la tourmente l’angoisse de futures représailles ?

« Et les êtres chez qui les deux principes demeurent également vigoureux, ceux-là ne doivent-ils pas être le théâtre d’un duel sans merci ? Est-ce ton cas, Antoinette ? Bien difficile à savoir.

— S’il le savait, il ne te le dirait pas.

— Pourtant, demande Antoinette, ne peuvent-ils vivre en paix l’un avec l’autre ? N’y a-t-il aucun espoir d’harmonie ? Ne peuvent-ils se découvrir frère et sœur ? Isis et Osiris dans le sein de leur mère ?

— L’amour fraternel ? Rappelle-toi. Isis et Osiris, dans le sein de leur mère, ont trouvé moyen de s’épouser.

— Dégoûtant. On ne sera donc jamais tranquille ?

— Jamais, ma pauvre Antoinette. Jamais. Jamais.

— Pourtant, la trêve… Cela existe, une trêve… Dans la Jungle, la Trêve de la Soif…

— Littérature… Tu crois trop aux livres, Antoinette.