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TROIS PARMI LES AUTRES

contredisent aux miens. Sont-elles si avides de revivre l’histoire monotone de la féminité ? Ou veulent-elles la guider vers un but indiscernable ? Pour Celle qui m’est toujours présente, je connais son unique souci, et qu’elle étend toujours ses bras d’ombre pour m’empêcher de souffrir. Avec quelle impatience n’ai-je pas repoussé sa sollicitude pour aller au-devant de mon malheur ! Mais elle, elle avait la patience de ceux qui savent. Nul reproche, et toujours prête à me bercer. Sont-elles toutes ainsi ? Pourquoi s’oublieraient-elles en faveur de la vivante ? Peut-être y a-t-il parmi elles de ces goules qui jalousent le sang chaud et qui cherchent à le précipiter dans de périlleuses aventures ? Peut-être qu’alors les ombres favorables s’insurgent et que la vivante est le théâtre de batailles muettes ?

« Je rêve et je sais que je rêve, mais il est doux de rêver ainsi en balançant ma peine au bout de ma pensée, pendant que l’invisible bien-aimée chemine avec moi. Elle seule pourrait me dire quelles sont les lois du peuple sans corps, mais elle est si intimement mêlée à moi que je ne sais pas distinguer ses avertissements de mes propres rêveries. Seul un contentement qu’il faudrait comparer à l’effluve électrique m’avertit qu’elle est là et qu’elle me réconforte.

« Foule mystérieuse, comme vous êtes secourable aux cœurs tristes ! J’aime mieux ne plus songer que je puis avoir parmi vous des ennemies. J’aime mieux vous imaginer unies comme les abeilles d’une ruche, auxquelles vous m’avez fait penser, un jour que votre présence m’importunait et que, dans mon angoisse, j’ai cru vraiment vous