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TROIS PARMI LES AUTRES

(je lui demandais de s’arrêter, il allait toujours plus vite… un pays inconnu, sauvage, si tu avais vu… La Gaule primitive…), ce fut le « clou », savamment préparé. Il y avait de quoi terrifier en le captivant tout un auditoire de jeunes personnes de seize à dix-huit ans. Dans le jardin peuplé des murmures et des tremblements nocturnes, battements de feuilles ou battements d’ailes, Suzon revivait son émotion décuplée.

« Si je ne m’étais pas défendue comme une tigresse… je ne sais vraiment pas ce qui lui avait pris tout d’un coup, il ne se connaissait plus. Mais je lui ai rendu son sang-froid avec un bon coup de pied dans les tibias… »

Elle ne ménageait guère le jeune homme à qui, tout à l’heure encore, elle avait tendu ses lèvres.

— Et il a eu encore le toupet de me dire que c’était de ma faute ! Mais au moins, je lui dois une expérience. Je ne me fierai plus aux hommes.

— Oui, pensait Antoinette, elle dit cela — et demain elle recommencera d’autant plus volontiers qu’elle connaît les risques. Mais elle se tut, jugeant qu’il était inutile d’encourager cette petite vénusienne par un oracle.

— J’espère, dit-elle simplement, que tu vas te tenir tranquille jusqu’à la fin des vacances ? Une fois rentrée chez tes parents, tu feras ce que tu voudras, ça ne me regarde plus.

— Oh ! tu penses… quelle leçon ! Dis-donc, tu ne diras rien à Bertrand ? S’il savait que je t’ai raconté ça…

— Sois tranquille, ça ne les regarde pas, ce que nous disons entre nous.

— Bien entendu. Nous sommes tellement dif-