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TROIS PARMI LES AUTRES

s’avouer à elle-même que la merveilleuse escapade nocturne était soudain vidée de son enchantement.

« Ça ou un coup de poing… »

La route n’était plus bordée de peupliers, mais de hêtres dont le feuillage frémissait, très haut. La mer pétrifiée des collines de l’Auxois ondulait toujours sur leur gauche, mais sur la droite le relief s’accentuait. Suzon découvrit tout à coup une ville répandue sur une colline, que dominait le capuchon sombre d’un bois. Éparse et de lignes molles, cette ville semblait n’offrir aucune résistance à la campagne qui la pénétrait de toutes parts : on devinait entre les maisons de grands espaces touffus qui étaient des jardins ou des champs inclinés sur la pente du coteau. Deux clochers se dressaient vers le ciel, l’un au milieu, l’autre à l’extrémité de la ville.

Une large place, qui est à moitié un rond-point pavé, à moitié un champ de foire herbu ; une avancée de rempart subsiste, au-dessus d’un ancien fossé ; à l’angle de la muraille, une tour découronnée porte un sapin gigantesque. La haute maison massive qu’abrite le rempart parut pleine de puissance et de mélancolie lorsque le rayon du phare, antenne lumineuse, palpa son toit, ses petites fenêtres percées dans un mur gris et les beaux arbres qui l’entouraient.

La voiture tourna devant la maison et prit une rue montante. Suzon aperçut une plaque de cuivre apposée sur le montant du portail, se pencha et lut : « Mademoiselle Hiberge. Pensionnat de jeunes filles. »

Elle regretta que le pensionnat fût vide à cause