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TROIS PARMI LES AUTRES

— Viens-y donc, pour voir ! répond Bagheera, avec un regard de côté luisant comme anguille.

Frère Gris se rapproche en claquant ses babines. Ses yeux dévorent la panthère blonde qui pointe ses griffes et mime une colère de chatte. Tous les deux s’amusent follement.

— Soyez donc sérieux, coupe Robert-Mowgli avec impatience.

— Il croit que c’est arrivé, murmure Bertrand à l’oreille de Suzon. C’est la Jungle qui l’impressionne.

— Ah ! soupire Mowgli en se laissant tomber à côté d’Antoinette, j’ai chassé tout le jour un gibier qui fuyait devant moi et je l’ai laissé fuir. Je n’ai pas faim, mon cœur est lourd et plein de choses inconnues qui se tordent, comme un rocher qui abrite un nid de petits cobras.

— Repose-toi, Mowgli. La fraîcheur de mes arbres lave ton front et le vent chante pour endormir ta peine. Tu es notre petit frère à tous, ne le sais-tu pas ? et mon peuple t’aime.

— Tu es bonne, murmure Mowgli, mais ma peine est trop lourde pour le vent et je ne connais pas d’eau qui puisse rafraîchir mon front ce soir. Viens près de moi, veux-tu, Frère Gris — et toi, Bagheera, plus près.

— Eh là, pas trop près ! proteste Frère Gris.

— Ah ! Je ne t’avais pas vu, Baloo. Bonne chasse.

— Bonne chasse, Mowgli. Ton chevreuil était-il tendre ?

— Point de chevreuil. Mon couteau est resté pendu à ma ceinture. Je n’avais pas envie de tuer ce soir.