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TROIS PARMI LES AUTRES

leurs, Shere-Khan est mort à l’époque où nous plaçons le jeu. Et puis après tout je n’ai pas envie de jouer. Ne vous occupez pas de moi, je vous regarde.

Elle sentit sous la plaisanterie l’âpreté du ton, vit trembler la lèvre inférieure un peu débordante dans le profil moutonnier (au diable ! pensa-t-elle, ce pauvre André est toujours le même !) et, tout haut :

— Mais si, André, il faut jouer. Nous jouons tous. Vous ferez Mor le paon. C’est un bel oiseau.

— Et vous alors ?

— Moi, je vais faire la Jungle.

Au moment de commencer le jeu, ils ne savaient plus que dire. Qu’allait-on raconter ? Fallait-il mimer simplement l’épisode de Mowgli dans les cannes à sucre ? Mais alors il n’y aurait que deux acteurs en scène. Ou bien inventer un épisode ? Est-ce que chacun devrait improviser son rôle ?

Robert et Antoinette bâtirent ensemble un scénario :

Le soir tombait. Mowgli rentrait de la chasse avec Bagheera et Frère Gris. Ils trouvaient la Jungle jacassante au coucher du soleil, et Baloo, qui revenait d’une expédition solitaire. Mor le paon leur racontait les nouvelles de la journée. Il avait volé jusqu’au village des hommes. Mowgli l’interrogeait sur ce qu’il avait vu, puis se taisait, pensif. La nuit venue, Mowgli partait seul. Jusqu’au matin, il rôdait autour du village. Puis apparaissait, au lever du soleil, la jeune fille. À ce moment, Mowgli entendait la voix de la Jungle qui s’éveille et les appels de ses frères.

— Là, on verra, dit Antoinette. On peut faire