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LA MAISON DES BORIES

garde pas ta mère, ce n’est pas la peine. C’est moi qui commande, ici.

Laurent s’en va, trébuchant dans sa longue chemise et reniflant discrètement les larmes qui commencent de couler. Les narines dilatées, Amédée sourit en regardant sa femme qui a l’air de moudre du sable entre ses mâchoires.

Tout à coup, M. Durras se retourne :

— Lise, où vas-tu ? Je te défends de suivre ton frère !

La Zagourette, éveillée par la brusque irruption de son père, a suivi toute la scène d’un œil aigu d’émouchet. Quand Laurent est sorti, elle s’est glissée hors de ses draps et s’est coulée sur les traces de son frère avec une prudence de Peau-Rouge. Hélas ! en vain…

— Lise, tu m’as entendu ? Si tu fais un pas de plus, tu seras fouettée !

La Zagourette se retourne, agite ses mains à a hauteur de ses oreilles d’un geste comiquement excédé et flûte sur un ton de comédie mondaine :

— Mais, mon pauvre papa, tu vois donc pas que dans toute cette z’histoire, y a seulement pas de quoi fouetter un chat ?

Un sourire fugitif détend le visage crispé d’Isabelle. Amédée reste coi. Il n’y a pas d’exemple qu’il soit sorti vainqueur d’un conflit avec la Zagourette, si par imprudence il lui laisse le temps de parler. Soit qu’il se sente désarmé par le plaisir de vivre qui éclate ingénument dans toute sa personne, — soit qu’il redoute la pénétrante malice qui le dispute chez elle à l’ingénuité, — soit encore qu’il flaire dans les roueries de cette petite cervelle une odor di femina qui le touche au point sensible, il s’arrête, la regarde d’un air surpris, hausse les épaules et tourne les talons en marmottant, pour sauver la face, quelque chose comme : « Passe pour aujourd’hui » ou ; « Tâche