Page:Ratel - La Maison des Bories.pdf/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
LA MAISON DES BORIES

du danger et du malheur permanents, — et que ce sentiment vous terrasse et qu’on se met à pleurer en appelant Isabelle de toutes les forces de son esprit, car la voix se refuse à jeter un appel, un cri, un pleur, n’importe quelle manifestation extérieure de ce qu’il faut cacher à tout prix : peur, chagrin, amour…

De l’autre côté du couloir, derrière une porte fermée, des chuchotements s’élèvent, un dialogue pressé, impatient. Une voix d’homme demande :

— Qu’est-ce qui vous prend ? Où allez-vous encore ?

Une voix de femme répond :

— Une minute, je vous en prie, mon ami. Je vais voir quelque chose…

Et voilà Isabelle, ses cheveux sombres, le trot silencieux de ses pieds nus, et le soupir de délivrance de la petite :

— Toi ! Toi ! oh ! c’est toi… oh ! ça va bien maintenant, puisque c’est toi…

Seulement Isabelle ne se contente pas aussi facilement, elle veut savoir pourquoi l’on pleure, — et comme elle connaît la manière de s’y prendre avec une petite nature farouche, elle engage une longue conversation à voix basse, une conversation où elle amène sans en avoir l’air l’épisode d’une lettre reçue du Mexique, d’une lettre tout à fait insignifiante et que Laurent n’a pas comprise. De quoi s’est-il mêlé, ce gros animal ? Enfin, bref, d’une lettre qui demandait simplement des nouvelles d’Anne-Marie et ne parlait nullement d’un retour possible, — et d’ailleurs, même s’il était jamais question d’un retour, Anne-Marie doit savoir qu’elle est la fille adoptive d’Isabelle et la pupille de son oncle Amédée et que personne n’a le droit de la leur enlever, — ceci, bien entendu, dit en passant, à titre de renseignement, car on ne va pas s’imaginer qu’Anne-Marie se soit jamais figuré…

— Oh ! mais bien sûr, ma Belle-Jolie, tu es drôle !