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LA MAISON DES BORIES

Tu n’es même pas capable de lire correctement. Et là, le nota bene.

No-nota be-bene. « Cet-t-t’horaire de-devra être observé t-très exactement, t-tout compte te-nu des-des-des ac-cidents et cas de force ma-ma-ma- ah ! zut ! majeure. »

— Tu le fais exprès ? demandait M. Durras en posant sur son fils un regard dur.

Isabelle se glissait doucement entre eux, prenait son mari par la manche de son veston et conseillait :

— Allez dîner, je vous rejoins dans une minute.

— Mais, ma chère ! nous descendons, répondait M. Durras avec ironie.

Et il appelait, par-dessus la rampe de l’escalier :

— Ludovic ? Venez donc coucher les enfants. Marie-Louise servira le potage.

Tout cela, et le singulier sourire de Ludovic quand il montait l’escalier et le visage d’Isabelle, soudain durci et figé comme si on avait posé sur ses traits un masque de cire à leur ressemblance, et le regard à la fois souffrant, dur et avide de M. Durras qui semblait quêter sur ces traits quelque chose qu’il n’y trouvait pas, tout cela les enfants le connaissaient, et ils savaient aussi, sans que personne le leur eût jamais dit, que le meilleur moyen d’assister Isabelle dans cette sournoise bataille, c’était d’avoir l’air content, alors qu’ils en auraient pleuré de déception. Même un soir la Zagourette avait déclaré avec son fameux toupet :

— Chic, alors ! on va faire une partie de cartes avec Ludovic.

Ce qui était une invention manifeste, car on savait bien que Ludovic, une fois qu’ils étaient au lit tous les trois, ne pensait qu’à chatouiller Laurent comme un idiot.

Mais ce soir rien ne bougeait au second. Isabelle soupira d’aise, entra dans la chambre et referma sur elle la porte de son royaume.