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LA MAISON DES BORIES

Kékouète, kékouète, kékouète… Elle mèneraient ce vacarme jusqu’au coucher du soleil et, quand le soleil aurait disparu, tendraient leurs cous bleus vers l’occident et pousseraient toutes ensemble une lamentation à une seule syllabe gutturale :

« Kai, kai, kai, kai, kai… »

Laurent siffla Chientou et se mit en ligne avec lui et le lapin apprivoisé qui buvait de la bière et savait prendre le départ pour la course au signal du starter. Tous les trois partirent comme des dératés dans la direction du sorbier. Chientou arriva bon premier, tout faraud et sauta de joie : « Ha ! »

Ludovic traversait la cour, trimbalant des seaux vides. En passant, il cligna de l’œil vers Laurent qui croquait une carotte avec son lapin — un coup pour toi, un coup pour moi — mais qui lâcha tout à ce clin d’œil, et suivit le domestique à la fontaine.

Quand ils revinrent, le Corbiau était dans le jardin, Lise avait disparu.

— Viens-t’en nous deux à l’écurie faire le boire de Bichette, disait Ludovic. On va rigoler un coup.

Isabelle passa la tête par la fenêtre et appela ;

— Laurent ? Veux-tu venir une minute ?

Ludovic grommela « Turellement » et s’en fut tout seul à l’écurie. Ses yeux, d’un vert indécis et trouble, couleur d’huître, louchaient de colère.

Lise s’en allait sur le chemin des genêts, tenant à la main une petite boîte à thé en fer-blanc de la Compagnie coloniale. Les boîtes de la Compagnie coloniale lui plaisaient particulièrement à cause de la phrase imprimée sur la bande de papier qui fait le tour du couvercle : « La loi punit le contrefacteur. » Un contrefacteur, c’est évidemment un contrebandier qui pour des raisons personnelles s’habille en facteur. Que la loi punisse un homme aussi original, voilà qui ne vous inspire aucune sympathie pour la loi.

Un bousier retourné ramait désespérément des