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LA MAISON DES BORIES

par toutes sortes de complaisances et de cadeaux et pour finir, pan ! une balle dans le dos du pauvre type qui rentre chez lui, content de retrouver son foyer. Un joli foyer ! Une belle existence, qu’on lui avait faite ! Ce n’était donc pas assez de lui empoisonner la vie avec sa folie maternelle, de détourner les enfants de lui, de le traiter comme un étranger dans sa propre maison, il lui avait fallu encore le bafouer avec le premier venu, à son nez, à sa barbe, les enfants complices, les domestiques complices, toute la maison ricanant derrière son dos et lui aveugle et sacrifié, comme toujours sacrifié ! Oh ! oh ! mais qu’est-ce que c’était donc, que cette femme-là ? Mais comment n’avait-il rien vu, alors que tout lui criait la vérité ? Ces brusques rougeurs quand une fois par hasard il laissait entendre à ce saligaud qu’on le voyait tout de même un peu trop souvent à la maison, ces silences rancuniers, après, quand ils étaient seuls, cet air rêveur, cette tristesse ou cette gaieté sans cause, — et l’autre, l’autre, rappliquant sans cesse, avec un cadeau, un bibelot, une fleur de la montagne, toujours là, indévissable, l’air d’un chien affamé qu’on met à la porte et qui revient toujours… tout, tout, tout les accusait ! Et cette fuite de Kürstedt après l’accident, cette lettre embarrassée… Étrange coïncidence, n’est-ce pas ! Ils avaient compté sans lui, sans cette vie enragée qu’il avait chevillée au corps. Il n’était pas de ceux qui se laissent mourir. Ah ! bon sang de Dieu, non !

Cette tête qu’elle faisait en le soignant, cette face morne, plombée ! Parbleu ! ils étaient refaits ! Pas voulu partir… Naturellement, puisque le coup avait raté. Elle n’était pas si bête que de découvrir ses batteries. Mais Dieu sait ce qu’elle complotait encore, sous son front fermé. Dieu sait si ce vaurien n’était pas auprès d’elle en ce moment, en train de lui servir d’infirmière…